Enfin...

...En fin

Enfin ... En fin ...

Écrire me permet de donner de la consistance à mes idées et à mes ressentis. Je dissipe ainsi certains doutes et je me confronte à moi-même.

Écrire ne sert pas à me mettre en valeur. Écrire me permet simplement de souligner ce que je trouve essentiel et de le partager.

UNE TABLE DES MATIÈRES FIGURE DANS LA RUBRIQUE "BIBLIOTHÈQUE ET NOTES DIVERSES"

1. Tout ce qui s'élève converge

Mon réveil est né dans le groupe de parole qui m’accueillit il y a longtemps déjà. J’y rencontrai des hommes et des femmes souffrant de la même assuétude que la mienne.

Je compris tout de suite que, si je le voulais, je ne serais plus jamais seul. Je partagerais désormais mes joies et mes peines. Je pourrais aussi avouer mes erreurs et mes échecs sans être jugé.

Dans ces conditions, je n’eus pas trop de difficultés à concevoir qu'une “puissance supérieure” allait, petit à petit, “me rendre la raison”. Celle-ci ne m’étant pas encore tout à fait revenue aujourd’hui (!), il me restera toujours du travail pour acquérir plus de sérénité, plus de courage, plus de sagesse et donc, plus de bonheur.

La pierre angulaire de mon rétablissement se trouve dans la philosophie expliquée et appliquée par mes amis abstinents.

Dans la foulée, se mit à germer en moi une foi nouvelle, essentiellement chrétienne ... mais pas exclusivement.

En contemplant l'Himalaya et en découvrant en profondeur les pensées hindouiste et bouddhiste, je m'engageai sur un véritable "boulevard" spirituel!

Je compris alors que "Tout ce qui s'élève converge", comme l'écrit Pierre Teilhard de Chardin (jésuite français, paléontologue, théologien et philosophe, +1955). Toutes les élévations de l'âme se rejoignent.

Depuis, je poursuis ma découverte d'autres horizons philosophiques et religieux.

Aujourd'hui, je crois en un Dieu que je qualifierais de cosmique, d'universel. Il se retrouve dans tout ce qui vit, du modeste brin d'herbe à la comète, en passant par ... l'homme. La nature entière est régie par les lois universelles: de nos émois personnels aux grands bouleversements climatiques, en passant par les inventions les plus impressionnantes.

Je pense que le sens d'une Nature si bien ordonnée selon ses propres lois est d'exister pour le bénéfice du Vivant. Et pour cela, il lui faut contenir une énergie constructrice, un élan positif, une dynamique interne, un carburant: l'amour. C'est alors que Jésus intervient, traduisant pour moi l'amour de Dieu.

Ce Dieu n'a plus de commune mesure avec celui qui me fut enseigné par les récits mythiques de la religion de mon enfance. Je me suis éloigné des dogmes et des impératifs ecclésiaux.

Je suis libéré des contraintes et je découvre que le Royaume ... est "au milieu de nous"( Luc17,21), et pourquoi pas en moi?

Je ne navigue pas à vue. Je m'inspire de guides éminents dont certains écrits sont épinglés dans la section "Bibliothèque" de ce blog.

Et surtout, je retrouve sur mon chemin de vie, un ami fidèle. Un homme qui ne se laisse pas piéger par les institutions politiques et religieuses de son temps. Audacieux, il les a souvent critiquées. On sait comment cela s'est terminé ...

J'essaie d'entendre et de comprendre -aujourd'hui- l'enseignement de Jésus.

2. D'un Dieu tout puissant à une Présence Intérieure rassurante...

De candidat diacre permanent et d'oblat bénédictin à aumônier protestant, les rencontres humaines furent souvent riches. Mais au final, je restais sur ma faim. Les théologies clef-sur-porte, certes grandioses, me privaient de ma liberté de penser par moi-même.

Il était grand temps de fermer les bouquins, de quitter ceux qui proclamaient un Dieu immuablement tout puissant. Ce Dieu - là ne m'offrait ni la tendresse ni la rassurance que je cherchais. Je ne les trouvais pas, ou si peu, dans les textes et dans les enseignements des églises.

Mais, peut-être que je n'y comprenais rien ...

Je me fourvoyais. Était-il fou de ne plus épouser les thèses officielles?

Ma tête était pleine. Mon coeur était vide ...

Il se pourrait qu'en redonnant une dimension humaine à ma recherche, je prendrais mon envol spirituel ...

                                                                                      *

"Il" était là. "Il" attendait que j'interrompe mon voyage théologique. Nous nous sommes remis en marche. Ensemble. Je retrouvais l'ami de toujours, présent dans ma vie, depuis l'adolescence. Depuis ce temps-là, je ressens ses souffrances, si semblables aux miennes, aux nôtres. Les textes officiels (le Nouveau Testament) me révèlent son enseignement. J'y lis ses joies, ses émois, ses colères.

Quelles que soient les traductions des écrits -hébreu, araméen, grec et latin et enfin français- son message me semble sobre et accessible. Quand il se complique, Jésus l'illustre par des paraboles, subtiles métaphores qui m'incitent à faire un effort pour découvrir ce qui n'apparaît pas en premier lieu. Par cet effort je deviens moi-même acteur du récit . Je ne reçois pas passivement cet enseignement. Je l'intègre dans ma vie et je tente de l'appliquer.

C'est par Jésus, divinement humain, que ce Dieu aussi puissant qu'abstrait, s'inscrit désormais dans ma vie et me donne la confiance d'avancer, malgré les embûches.

Je reconnais volontiers qu'à certains moments, mon interprétation personnelle et mon imagination vont au-delà de l'enseignement de Jésus ou, au contraire, restent en-deçà de celui-ci. Je lui attribue le don d'ubiquité. Je l'invite à traverser le temps pour s'inscrire pleinement dans mon aujourd'hui.

Et c'est ainsi que pour moi, il est vivant et présent aujourd'hui. C'est une intense histoire d'amitié. Celle-ci engendre ma foi.

3. La route

Saint Augustin écrit: "Avance sur ta route car elle n'existe que par ta marche."

Et Nietzsche ajoute: "Deviens qui tu es".

S'il y en bien deux que tout sépare, ce sont eux!

Saint Augustin, IVe siècle, philosophe, théologien chrétien.

Nietzsche, XIXe siècle, incroyant, il nie tout sens à l'existence et glorifie les forts. Il remet tout en question car, d'après lui, tout est nécessairement faux ...

Et pourtant, au hasard de mes notes, ils se sont rejoints. Voisins improbables, au creux d'un carnet.

Ce "hasard" fait qu'ils peuvent peut-être se compléter.

Saint Augustin m'encourage à voir naître la route sous mes pas. À ne pas faire de surplace, à ne pas me résigner à un destin qui serait écrit à l'avance.

Mais pour aller où?

Et Nietzsche répondrait: pour aller vers toi et simplement "devenir qui tu es!"

Cette route vers moi atteint parfois des sommets merveilleux. Elle plonge quelquefois dans des abîmes sans fond: les maladies, la mort d'un enfant et l'absence d'un autre, les injures et les trahisons, les coups fourrés professionnels.

Sur ce chemin, il faut accélérer, ralentir et prendre souffle. Un jour il faudra s'arrêter.

Ma chance est de ne pas devoir marcher seul. Après avoir arpenté la Galilée, la Judée et la Samarie, il m'accompagne aujourd'hui. Il me précède parfois.

Avec lui, je fais face. J'affronte toutes les tempêtes et je me réjouis de tous les bonheurs.

Des messies et prophètes d'alors et d'aujourd'hui, il est le seul qui proclame "Je suis" et qui s'implique totalement.

Sa parole prend corps, pour moi qui l'écoute.

Elle éclaire de vérité le chemin de ma vie.

                                                                                                                           ***

Ils sont quatre à raconter son passage dans ces régions. Ils décrivent les rencontres au cours desquelles il dispense son enseignement.

Les quatre affirment qu'il a tout traversé et qu'il s'est même relevé de la mort. ...

Je n'ai aucune compétence pour apprécier le mystère de ce que les hommes appellent la Résurrection de Jésus.

Ce que je sais c'est que la religion se trompe quand elle se limite à annoncer qu'il y a "quelque chose après la mort". Ce qui m'intéresse, c'est d'être heureux dès maintenant.

Ce que je sais aussi, par expérience(s) parfois pénible(s), c'est que Jésus est présent dans le monde, par sa Parole. Et que celle-ci "guérit". Elle re-suscite l'homme qui l'entend. Il se lève et marche à nouveau.

Il reprend "la route qui n'existe que par sa marche".

4. "Celui qui marche droit ...

"Celui qui marche droit trouve toujours la route assez large".

Voici un proverbe breton qui trouve tout son sens, à mes yeux.

D'abord: j'ai appris à "marcher droit", bien droit, quand j'ai brisé mon assuétude.

Ensuite: le fait de retrouver un cap spirituel m'a maintenu sur la route. Celle-ci naît de mes pas et me mène vers celui que je suis.

Si je marche droit, la route sera nécessairement assez large. Jusqu'ici j'ai évité les écueils, les nids de poule, tous les obstacles qui surgissent et je ne me suis pas retrouvé au fossé!

Pour avancer il me faut du carburant, de l'énergie.

Mon énergie c'est l'amour! Elle est renouvelable, si j'y veille.

Jésus rappelait à ses contemporains que l'essentiel de la Loi (divine) c'est l'amour.

Aujourd'hui il me dirait:

"Michel, le premier commandement de la Loi c'est Aimer.

"Ne néglige aucune déclinaison de l'amour: aime Dieu de tout ton être, aime ton prochain comme tu t'aimes toi-même.

"Plus tard je te dirai même d'aimer ... tes ennemis".

Sans doute le questionnerais-je ainsi: "Te rends-tu compte de ce que tu me demandes? Toute mon éducation et la religion qui me fut enseignée en ton nom, m'ont mis à l'arrière-plan! Je devais spécialement veiller à bien faire et à bien paraître aux yeux des autres. De moi, personne ne m'a jamais parlé. Sauf toi, aujourd'hui! Il me semble que la Loi, telle que tu la rappelles, m'invite à considérer aussi mes "bons côtés": mes qualités, mes points forts et pas seulement mes défauts.

À cause de toi, je me retrouve tout intimidé devant moi-même, rougissant comme s'il me fallait me séduire!

En réalité, il s'agit bien de cela: l'amour est séduction. Rien à voir avec la passion qui est feu intense et dévorant. L'amour cuit à feu doux. L'amour n'est pas une formule magique, ce n'est ni une grâce, ni un cadeau. L'amour se travaille, de pierre brute il devient diamant.

Comment faire pour m'aimer, pour me réaliser et devenir quelqu'un de meilleur, à mes yeux?

Je sais que ce travail ne sera jamais terminé. C'est ce qui rend la vie passionnante!

Alors, je m'y suis mis.

5. Le secret du bonheur ...

... c'est la liberté!

Me débarrasser d’une assuétude majeure, débusquer d'autres dépendances, me délester des emprises religieuses, humaines et affectives, me méfier du piège de l’ego, voilà en gros ce que j'allais entreprendre.

Fameux menu!

Pour cela, il me fallait un programme, une méthode.

Celle-ci est contenue dans la pensée (la prière) de la sérénité.(*) Ce texte précieux invite à accepter sereinement ce qu'on ne peut changer (pour le moment), à changer les choses qu'on est capable de changer (pour le moment). Il aide à ne pas se tromper!

J’aime beaucoup la triple invitation contenue dans cette pensée. Elle me préserve de trois pièges: mon impétuosité, mon manque de courage et ma difficulté à faire la différence entre ce que je peux entreprendre et ce qu'il me faut laisser là (pour le moment).


Autour de moi le monde des infos en continu asphyxie et est lesté de fake news. Le matérialisme absolu, le machisme guerrier et le capitalisme outrancier sont les armes de tant de dirigeants qui ignorent délibérément le bien commun. Ils entretiennent la peur et la confusion. Ils gonflent leur ego et épatent des foules crédules et désemparées.

Je ne peux rien y changer.

Il me reste donc à revenir à moi-même en me débarrassant de tout ce qui limite ma liberté.

Oscar Wilde a écrit: "Soi toi-même car tous les autres sont déjà pris!”

Je ne peux tendre vers l'idéal de Liberté que par une Libération progressive des entraves qui retiennent mon élan vers moi-même. Au premier rang figure la confusion entre mes besoins réels et mes désirs illusoires. 

(*) Mon Dieu,  Donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer celles que je peux et la sagesse d'en connaître la différence.

6. Besoins et désirs

Un obstacle majeur à la libération réside dans la confusion entre les besoins et les désirs. Pour y voir clair, il me faut souvent me remettre en question, redéfinir mes choix fondamentaux. Besoins et désirs s'entremêlent. Débroussailler, défricher avant de voir qu’une piste se dessine, sous mes pieds. En persévérant, celle-ci deviendra chemin. Je serai alors capable de distinguer ce qui est vraiment bon et bien pour moi, ce que Spinoza nomme “le bien véritable “.

Il est vrai que les besoins fondamentaux doivent être comblés car la survie peut en dépendre. Il est tout aussi vrai que certains désirs ne sont pas nocifs, bien au contraire (désir d’aider, désir d’aimer, désir de rire…).

Ce qui m’empêche d’être libre, ce sont les désirs vains, aigus, ceux qui visent à satisfaire mon ego (désir de plaire, désir d’avoir raison, de convaincre, de posséder …). Leur lancinance me fait souffrir.

Ces désirs jamais satisfaits m’emprisonnent et me pèsent.

Je me rappelle une parole précieuse qu’Il partage avec les siens:

Je vous invite à “ne rien prendre pour la route”. (Mc 6,8) à ne pas vous encombrer du superflu qui ralentirait votre marche.

Moi je comprends ceci: “Michel, voyage léger! Ne t’embarrasse pas d’un fardeau inutile.” Certes, c’est ce que j’ai tendance à faire quand je remplis ma valise, la veille de vacances. À l’issue du séjour, je constate que je n’ai pas eu besoin d’une bonne partie des choses embarquées.

Il en est de même dans ma vie.

Par crainte de manquer, j’amasse.

Par manque de confiance, je veux tout prévoir, anticiper. “On ne sait jamais …” murmure une petite voix qui, si je ne la fais pas taire illico, fera naître en moi tant de désirs inutiles, sources de souffrance.


Être libre et heureux, voyager léger n'est pas un don divin ou une grâce que certains reçoivent...et d'autres pas. Accepter ce qui arrive ou surgit brutalement dans ma vie, trouver en chaque circonstance un côté positif, ne pas oublier un brin d'humour et un soupçon de dérision, c'est l'option que j'ai choisie. Je reconnais qu’elle est parfois difficile à respecter.

Si je n'essaie pas de faire ce CHOIX le plus souvent possible, je bascule dans l'émotion sans limites, l'angoisse et le pessimisme. Ça demande du travail et du courage, bien sûr. C’est parfois l’échec. Mais ça vaut la peine d'essayer.

“La vieillesse est un naufrage”, disait le Général de Gaule. Et bien, mon Général, même si mon navire coule, je resterai sur le pont jusqu'au bout (enfin ... j'essaierai).

Sur le Titanic, les musiciens ont joué jusqu'à la fin.

Je ne suis pas certain que s’ils ne l’avaient pas fait, le Titanic n’aurait pas fait naufrage! …

"Je suis maître de mon destin, et capitaine de mon âme".

Cette phrase est issue du poème Invictus, rédigé par l’écrivain britannique William Ernest Henley, poème préféré de Nelson Mandela. Pour moi cette pensée résume à elle seule le concept de développement personnel qui, je l'espère, peut se poursuivre jusqu'à la fin de la vie (au moins!). C'est donc bien une question de choix, une option qu'on décide de prendre... ou non …

La liberté naît de la libération de l’inutile.

7. Ne pas juger, ne pas condamner

C’est plus fort que moi: quand je rencontre une personne pour la première fois, surgit en moi une appréciation binaire, sans que je le veuille. Du genre : il (ou elle) est beau ou vilain, sympa ou non, trop gros ou trop maigre etc … Je lui colle une étiquette qu'il m’est si difficile de lui ôter par après …

Les relations plus étroites, plus intimes, peuvent aussi souffrir de telles prises de positions.

Je me souviens de mes relations avec la mère de mon ex. Je ne la supportais pas. C'était d’ailleurs réciproque. Lors d’un exercice pratique, durant ma formation à l’Analyse Transactionnelle, j'en ai parlé à mon formateur. Il me suggéra qu’à chaque fois que je la rencontrerais, j'imaginerais que c’était la première fois. “Débranche tes anciens circuits et les connexions qui déclenchent tes rancunes. C’est la toute première rencontre. Et tu fais cela chaque fois! C'est comme si vous alliez faire connaissance. ”

Ce ne fut pas facile. Mais après quelques essais, cela finit par marcher. La relation avec ma belle-mère fut moins conflictuelle. J'avais mis fin à la plupart de mes a priori.

*

Je me rappelle du songe d’un matin de printemps.

Après mon footing quotidien, au bord d’un étang, je me repose. J’imagine marcher sur un long chemin qui n’existe que parce que j’avance.

Personne devant moi.

Derrière moi par contre, il y a du monde.

Sans que je me retourne, je devine tant de silhouettes familières, de visages connus. Certaines présences, à ma droite, me réjouissent, me sourient, me rassurent. Certaines plaisantent.

D’autres au contraire, à ma gauche, font grise mine, m'attristent et m’inquiètent parfois. Aucun sourire, quelques cris même....


J'avance donc sur ce chemin que je trace.

Toujours sans me retourner, je prends conscience que le nombre de personnes marchant à ma gauche diminue petit à petit. Certaines ont rejoint le groupe de droite, d'autres ont tout simplement disparu…

Et voilà qu'à un certain moment: plus personne n'est à gauche…

Je me sens en paix, débarrassé de tout ressentiment et de toute envie de vengeance.


Je sors de mon songe et je réalise que ce chemin est bien celui de ma vie. Il est plus facile à parcourir si je pardonne à ceux qui m’ont offensé. C’est par mon pardon qu'ils rejoindront peut-être le groupe de droite.

Si je proscris la rancœur et la vengeance, si je reconnais mes torts, il n’y aura plus grand monde à gauche!

Si pardonner à certains ne fonctionne pas, essayer de ne plus (trop) penser à eux peut être un soulagement.


8. Le pardon, quel repos!

… Victor Hugo

C’est bien vrai! Entretenir la rancune, préparer une vengeance, ruminer, ressasser ne sont que pertes d’énergie et de temps.

Tenter la réconciliation en reconnaissant si possible les torts respectifs et ensuite lâcher prise est le seul chemin possible.

Et s’il le faut: pardonner sans limites, sans conditions, afin de retrouver ma paix intérieure,

Dire à l’autre: Je te pardonne car moi, j’ai trop mal. Mon pardon dénoue peut-être notre lien. Il dissipe mes souffrances et me garde de la rancœur envers toi.

Dès lors, en effet, le pardon c'est “reposant” !

Jésus donne toujours la priorité à l’humain. Le formalisme, le rituel et les préceptes théologiques dont se gargarisent les religieux de son époque viennent bien après. Il ne craint pas de désavouer les champions de la religion, qu'ils soient pharisiens ou scribes.

Je fais miennes les recommandations de Jésus en matière de pardon, entre autres:

- si je me souviens qu’un différend m’oppose à qui que ce soit, j’abandonne l’activité qui m’occupe pour tenter la conciliation. Je n’hésite pas à reconnaître mes torts personnels. Tout faire pour éviter que la situation empire est primordial. Pour cela, je délaisse toute activité, même la prière ou la méditation.

-Jésus insiste: "Fais le premier pas, “accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu’il ne te livre au juge et que tu ne sois mis en prison.” Matth 5,25

Il encourage à la (ré)conciliation. Tout faire pour éviter l’escalade.

Tous les jours, l'actualité foisonne de désaccords qui dégénèrent.

L’agressivité s’empare de notre société et se décline à tous les niveaux. Elle va de l’incivilité sur les routes, elle passe par les drames de violence intrafamiliale, les règlements de comptes sanglants et se termine en guerres meurtrières.

Les conseils de Jésus ne sont donc pas des prêchi-prêcha mais des moyens simples et infaillibles d’entretenir la paix.

Par mes humeurs, mon cynisme, mes coups de gueule et mes colères, j’ offense parfois les autres. De même que ceux-ci peuvent me faire mal.

Pour ma part, j’ai choisi. Je n’oublie pas la prière que je répète chaque jour et qui se termine par:

"Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ". Matth 6, 12

Il se peut que j’éprouve quelques griefs envers moi-même et que je souhaite m’en défaire.

Sans faire appel à Dieu, sans prier, je peux tout simplement me rappeler que je suis humain, donc imparfait par définition et que je fais partie de l’univers. M'immerger en lui, me fondre en lui me permet de ne plus me focaliser seulement sur les offenses dont je pense être l’auteur. Je ne me réduis pas à celles-ci.

Cette immersion m’aide à me pardonner. Elle me purifie en me rendant toute ma nature. Elle ne me dispense pas de prendre ensuite mes responsabilités, bien au contraire.

Quelle que soit la situation, le pardon doit être constant et total. Garder de la rancune n’est pas compatible avec le pardon.

Dire “je te pardonne, mais je n’oublie pas”, c’est implicitement signaler qu’on est prêt à réactiver la mésentente.

Il est impossible d'oublier. C’est un fait. La mémoire est marquée de manière indélébile.

On sait qu’on a complètement pardonné quand le souvenir de l’offense n’est plus douloureux.


“Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?” s'exclame-t-on notamment quand une situation relationnelle se complique.

Laissons le Bon Dieu tranquille. Il n’est en rien l’instigateur de nos malheurs, réels ou prétendus. Pendant qu’on se lamente, on ne fait rien, on pleurniche et on subit.

Pour ne pas subir, il faut agir et le seul moyen d’action possible ici c’est de pardonner.

“ Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font”. Luc 23,34


Le pardon est à multiples usages : il se donne, se reçoit, se partage, ... se refuse

9. Ces “gens-là”

Il dit:

“Un jour alors que j’enseignais à une foule nombreuse, on me fit savoir que ‘ma mère et mes frères’ me cherchaient. Sans doute voulaient-ils que je quitte ‘ces gens-là’ et que je rentre à la maison.

“J’ai répondu, un peu sèchement j’en conviens: ‘Ma mère et mes frères? Ma vraie famille, ce sont ceux qui écoutent et mettent en pratique la parole de Dieu’ .

“Je suis encore resté avec ‘ces gens-là’. Je leur étais lié par l’esprit. Ensuite j'ai rejoint ma famille et mon village.” d’après Luc 8,21

Ma famille biologique se réduit à sa plus simple expression. À part une personne, c’est le désert le plus aride.

J’ai heureusement pu reconstruire une famille de cœur et d’esprit et j’y ai inclus ces “gens-là”, rencontrés au fil des années. Parmi eux, il y a tous ceux qui marchaient derrière moi et qui avaient rejoint le groupe de droite. Vous vous souvenez? …

Dans cette famille de coeur et d’esprit figurent aussi les dépendants (en tout genre) dont je fais partie, les détenus, les malades et les mourants que la vie m’a fait rencontrer de fort près ...

Mon entourage m'a parfois reproché de passer trop de temps avec ces "gens-là"... Il ne pouvait pas comprendre qu'avec eux il n'y avait pas de concurrence, pas d’apparences, pas de formalisme, aucun discours.

Tout était bien sûr souffrance. Mais tout était aussi joie et vérité.


Qu’elles sont riches, les rencontres avec ces “gens-là”! Riches de Vie.


Et qu'elles sont souvent vaines et creuses les rencontres dites "normales" de la vie ordinaire.

10. Peur & Co

La peur fut toujours ma compagne. Enfant unique, entouré de parents et de grands-parents certes aimants, je n'étais jamais autorisé à exprimer une émotion, à plus forte raison à confier une peur. Je devais aussi contenir mes joies. Mes parents n'acceptant pas que des copains viennent jouer à la maison, je m'inventais des jeux dans lesquels, parfois, je me faisais peur. J'imaginais que des "ennemis" se cachaient dans la maison et je partais les débusquer, armé de mon poignard en bois et de mon revolver en plastique.



Mes élans d'adulte, parfois Don Quichottesques, sont peut-être nés de ces jeux de cache cache.


Par bonheur j’ai en moi un contrepoids efficace: j’entretiens une sorte d'humour. Même dans certaines circonstances graves je tente de me marrer... in vivo. Je ris dans ma barbe.


La très sérieuse revue Science et Vie soulignait récemment que cultiver l’humour est excellent pour le moral. Ah, le bienfait que (me) procurent une bonne vanne lâchée sans sommations, une affreuse grimace affichée en plein repas familial et qui, au moins, déclenche le rire de mon petit-fils, fidèle complice en espièglerie!


Il semble aussi que je sois parfois tombé dans le piège tendu (peut-être sans le vouloir) par des proches.Il m'arrivait de confier mes pensées profondes à des parents, des collègues ou des “amis”, apparaissant ainsi dans toute ma réalité, sans masque. Inconsciemment peut-être usaient-ils ensuite de ma franchise, de ma loyauté (et de ma bêtise ?) pour me ferrer et ne plus relâcher leur emprise. Je ne devinais le piège que bien plus tard. En outre, je n'osais pas défaire le lien désormais toxique qui existait entre nous. Je sacrifiais ainsi ma liberté et mon indépendance sur l'autel d'une amitié disparue.


Dans l'impasse, je cherchais un exutoire. C’est ainsi que j’ai découvert le pouvoir désinhibant et “libérateur” de l'alcool.

Après quelques années (seulement et heureusement!), j’ai compris que l'alcool qui m'avait tant charmé était le pire des tyrans.

La peur d'une rencontre, la crainte d'aborder une situation nouvelle ou de devoir poser un acte et surtout... la peur de manquer d’alcool me faisaient boire de plus en plus. Je m’arrangeais pour rendre mon alcoolisme socialement acceptable. Mais la dépendance s'emparait de moi et ma peur ne cessait de croître.


En brisant la dépendance, la joie de vivre revint mais une certaine peur diffuse subsista. Les appréhensions et les angoisses continuèrent à gâcher mon existence.

Pour échapper à cet état anxiogène, il me fallut -et il me faut toujours- pratiquer une suggestion de mon programme de rétablissement: ne pas avoir d’appréhensions inutiles, non objectivées et “ne pas avoir peur de jouir de ce qui est beau”.

Pour cela, un seul moyen: rester dans le “moment présent”. Je reconnais avoir l’art de passer à côté des bons et beaux côtés de la vie. J’irais jusqu'à craindre d’être heureux me refusant le droit au bonheur …

Opportunément, Jésus me rappelle que "Les inquiétudes sont vaines et déstabilisantes. D'ailleurs qui donc, par ses inquiétudes, a pu rallonger sa durée de vie d'une seule heure ? Personne!"

Et dans sa foulée, une amie me rappelle : "l'angoisse frappe à la porte, la foi l’ouvre mais...il n'y a personne".




Très bien, mais comment faire pratiquement, pour conjurer la peur?

Convenir, en mon fort intérieur, que chaque moment de vie contient une pépite et que, pour la découvrir, je dois m’immerger totalement dans ce moment. C'est dans ce seul moment que je peux trouver en moi le bonheur et la paix qui chassent la peur.

Pour m'assurer la paix d’esprit, je décide de:

-cesser de ressasser,

-cesser de récriminer et de juger,

-admettre rapidement mes torts, mes défauts.


Ensuite, je me concentre sur mes soucis légitimes et mes besoins réels. La vie qui parfois me pèse, semble alors beaucoup plus légère.

Reconnaître la peur qui m'oppresse quand je constate que je marche de plus en plus mal et que je me demande comment je marcherai demain …


Me rendre compte que je ne suis pas cette peur et que je ne me réduis pas à elle .

Je suis bien plus qu'elle!

11. L'aveu


Est-ce le titre du film de Costa-Gavras? Non.

Bien plus: pour moi, c’est l'annonce d'un travail intérieur essentiel.


J’ai profité d’un temps de convalescence médicale pour relire et méditer la phrase suivante :

“J'avoue à moi-même, à Dieu et à une autre personne la nature exacte de mes torts.”

Cette démarche, pratiquée sans concession et sans modération, fait tomber mes masques. Les rôles qu’il m’arrive de devoir jouer, familialement, socialement et professionnellement, n’ont plus lieu d’être. J’en profite pour raboter la parfois trop bonne opinion que j’ai de moi et qui apparaît suite au port de ces masques.


Et, surprise!, je ne découvre pas que du négatif …


Cet exercice est dense. Je décide de ne négliger aucune des exigences qu’il présente. Je lis, dans ce court texte, de fermes recommandations, plus que de délicates suggestions. À chaque relecture, j’examine de plus près le sens de chaque vocable. Un vocable, pour moi, c’est plus qu’un mot. C’est le mot plus l’idée qu’il contient. Et à chaque lecture, chaque vocable gagne en intensité.


Avouer c’est -entre autres- admettre, concéder, reconnaître...se mettre à table.

Je décide donc de me mettre à table, non comme un accusé mais comme celui qui entreprend un patient travail visant à parfaire la connaissance qu’il a d’un sujet précis, en l'occurrence celle de lui-même.


Pour moi,

Avouer c’est oser me voir tel que je suis.

Avouer ne revêt pas nécessairement qu’une connotation négative. Il m’arrive de découvrir et d’accepter, comme un cadeau, l’une ou l’autre qualité que certains m’attribuent.

Chacun dispose des talents selon ses capacités (cf Matthieu 25.15) . À lui de les reconnaître et de les faire fructifier.


J’observe mes proches amis et je note avec joie une abondance de talents, comme: l’art culinaire, une grande connaissance philosophique, l’excellence dans la réalisation de travaux d’aménagement, le souci de l’hygiène ou de l’esthétique, le “room service” qui comble les estomacs et fait fleurir des sourires etc …

Avouer c’est confesser (...à Dieu) et confier (à nous-mêmes et à un autre être humain).

Quelle thérapie !



Lorsque je me reconnais un tort (parfois envers moi-même), il est bon:

-que je le confesse à ma puissance supérieure/intérieure. C’est un envol, un élan de l’âme qui exprime le soulagement “d’avoir mis le doigt” sur quelque chose d’important et qui me dérange. C’est un “ouf” de libération. Mais cela reste théorique. Je ressens un peu la même chose que lorsque j'ai décidé d'arrêter de consommer. La décision était prise. Le "comment faire" viendrait après,


-que j’essaie d’intégrer ce constat dans ma vie, “ici et maintenant”. J’avoue donc ce fait à moi-même,

-enfin, que je confie le tout à un ami.

Cette 3e forme d’aveu a deux vertus:

°elle m'oblige à trouver les mots justes car “ce qui se conçoit bien s’énonce clairement”. Tout deviendra clair en moi, pour moi et pour celui qui m’écoute,


°ensuite, l’autre fera office de miroir et de garde-fou.

S’il est trop difficile d’avouer à Dieu et à un autre, on peut passer par un stade intermédiaire: confier nos confidences au papier. Cette méthode permet de fixer l’idée et ensuite de la travailler à souhait, en prenant tout le temps nécessaire.

Dans la reconnaissance de mes torts, je ne m'accorde aucune excuse.

Mon aveu, ma confidence porteront sur la nature exacte de mes torts et de mes défauts. Je ne tournerai pas autour du pot, je ne me réserverai pas de porte de sortie afin de conserver quelques défauts qui me conviennent.

Et surtout, je n'oserai jamais prétendre que mes comportements excessifs n'ont nui qu'à moi-même.

Enfin, je veillerai à réparer -dans la mesure du possible- les torts que j'ai causés aux autres.

De toute manière, je resterai “à table” jusqu’à l'achèvement du travail, c’est-à-dire jusqu’à la fin de ma vie.


12. Gratitude


Vieillir est inéluctable.

Certains n’ont pas la chance d’y parvenir…

Vieillir est en effet une chance et non une déchéance. À une condition : décider de “vieillir le mieux possible”.

Pour arriver à “vieillir le mieux possible”, j'essaie d’être reconnaissant pour le positif que chaque instant recèle. Dans cet instant, le positif côtoie souvent la joie.

Rechercher le positif, et en même temps découvrir la joie, n’est pas toujours facile car pester contre tout ce qui ne va pas est bien plus aisé. Pleurer sur ce que je perds et ne pas voir ce que le temps qui s'écoule m’apporte est tellement naturel.

Aussi ai-je décidé de prendre le contrepied de ma nature de râleur invétéré.

Pour cela, je tente de faire mienne la démarche de Spinoza (philosophe XVIIe): transformer mon esprit afin qu’il trouve à l’intérieur de lui-même un bonheur durable qui prend le visage concret de la joie.

Le vrai bonheur n’est pas hors de moi. La joie d’en être l’artisan engendre ma gratitude.



Quand mon coeur est en mode gratitude, je me sens léger. Il reste alors peu de place pour la rancune, la tristesse, la peur et le souvenir cuisant d'un échec. Je plane.

Et je n’ai qu’une seule envie: que cela continue!

Dans cette démarche, j’ai un allié précieux qui vit au tréfond de moi: mon enfant, celui de toujours

Celui qui ne vieillit pas, qui se rit des côtés pénibles de la vie.

S'il lui arrive d’être découragé, je lui parle, je le console. Je le rassure quand il est attiré par le “monde des grands”, tout en craignant le danger qui pourrait en surgir.


Le plus souvent possible, je lui laisse toute la place.

Alors l’adulte s’efface et l'enfant s’amuse d’une blague, d’un jeu de mots, d’un sourire, d’un fou rire,

Il dit “je t’aime” sans gêne et sans honte.


Il joue

à faire (ou à ne pas faire) n’importe quoi,

à s’habiller comme il le veut ou à courir à poil,

à se faire des grimaces dans le miroir et à être le seul à en rire.


Quelquefois il ose

être irrévérencieux, anticonformiste sans blesser.

Il repère dans une situation dramatique un élément apaisant, voire comique.

Il rejoint un autre “petit” dans ses jeux et snobe la conversation des “grands”,

Il se saisit d’un crayon et s’absorbe dans le dessin qui naît.


Il n’oublie pas de remercier.


Et c’est ainsi que mon enfant habite pleinement l’instant présent.

Et c'est alors qu'il est reconnaissant.

Dans son enseignement, Jésus se réfère aux enfants auxquels ses auditeurs devraient ressembler.


Il arrive qu’il appelle un enfant au milieu d'eux. Voilà votre modèle à suivre, fait-il comprendre. (Matth 18)


Une autre fois, Jésus ayant entendu que ses disciples discutaient pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand, il évoque l’image d'un enfant, afin de les ramener à l’humilité. (Marc 9).

Dans la foulée, on peut y décèler une invitation à la fraîcheur, à l’abandon. C’est aussi un appel à la “pauvreté”. Mais il faut s’entendre sur le sens de ce mot, la “pauvreté”.

Il ne s’agit pas de vivre comme des clodos mais de se débarrasser des vanités et du trop plein des soucis matériels. Ainsi dépouillé, ma “pauvreté” faite de simplicité, d’humilité et de légèreté devient richesse. L'esprit est désencombré. C'est la meilleure manière de ressembler aux enfants et de retrouver l'enfant en nous.



“L’esprit de l’enfant, c’est l’esprit de Bouddha et l'Esprit Saint des chrétiens”, écrit Thich Nhat Hanh (moine bouddhiste viet, auxquels de nombreux livres de poche sont consacrés)… Là, il ne parle pas du corps (et de ses misères), mais bien de l’esprit c’est-à-dire de la seule part de nous sur laquelle nous pouvons agir, nous préservant ainsi de subir l’existence.

13. J’ai rendez-vous avec moi

D’ un regard ou d’un sourire échangé, peut naître une découverte: celle de l’autre.

Là, j’ai le choix: je réponds à ce regard, à ce sourire ou … je fais semblant de rien. Généralement, je choisis la première option et je franchis l’invisible porte vers l’autre.

Qu'elle soit brève ou longue, une rencontre n’est jamais à négliger. On en restera là ou bien on apprendra à mieux se connaître, peut-être même à s’aimer.


Mais avant toute rencontre, je dois réussir celle qui prime: la rencontre avec moi-même.

Socrate (philosophe IVe s av JC) l’a bien enseigné: “Connaîs-toi toi-même “.

Sans oublier la suite: “Et tu connaîtras l’univers et les dieux”.

Tant de livres traitent de ce sujet éminemment philosophique. Mais comment puis-je faire pour mieux me connaître?

Le chemin vers moi, vers “l’univers et les dieux” naît et se déroule sous mes pas, dont certains font l'objet des rubriques précédentes.

Il me reste pas mal de travail à accomplir: l’auto-observation, la prise de notes et le partage de réflexions, l’identification de mes émotions, la reconnaissance de mes atouts et de mes carences, l’audace de me remettre en questions, de vaincre le déni, la bienveillance envers moi et envers les autres …


Mais une connaissance, qui ne se limiterait qu'à moi sans m'ouvrir aux autres, ne me suffit pas. Certaines formations de “développement personnel” tentent de nous convaincre que notre bonheur ne dépendrait que de nous-même. Et que dès lors, si on se sent malheureux ou en marge de la société… c'est à cause de nous. La dimension collective et l'interdépendance n'existent plus. Ces “formations” assez répandues sont axées sur une sorte d'exploitation de la détresse émotionnelle ou d'une recherche mal orientée du sens de la vie.


L'extension socratique de la connaissance de soi à celle des dieux et à celle de l'univers éloigne heureusement l'homme de son nombril. Il prend alors sa juste place dans l'univers. L'homme comprend qu’il fait partie d'un tout. Il est à la fois libre ET interdépendant.



14. Les sourds entendent, les muets parlent

“Tu m'écoutes quand je te parle?”

“On n'interrompt pas les grands quand ils parlent!”

“Tu ne m’écoutes jamais!”

“Tu es trop jeune pour comprendre!”

“Ces choses étaient vraies de ton temps!”

“Tu doutes de toi, tu manques de confiance en toi!”, “Sois assertif!”

“Tu ne comprends rien, j’explique pourtant bien!” …


Tant et tant d’expressions qui dénoncent le manque de communication et qui mènent à ce que l’on appelle un “dialogue de sourds”. La bonne entente est compromise. C’est la pagaille.

Le désaccord règne au sein des communautés locales, dans l'intimité des familles. Il finit par dresser les nations les unes contre les autres.

On prétend parler, or on ne fait qu’émettre des sons. On affirme écouter, alors qu’on se limite à entendre. C’est la Tour de Babel dans toute l’horreur de la confusion des langues.


Je suis un grand bavard, je pense parfois tout savoir. Cependant, j’apprends à connaître mes limites, à économiser mon énergie, à essayer de dire des choses utiles, vraies et bonnes, à parler parfois dans le seul but de faire sourire. Aussi et surtout: j’apprends à me taire.


Par les évangiles, on sait que Jésus “‘guérit’ les sourds, les muets, les aveugles, les boiteux, les paralytiques”.


Je me souviens d’une rencontre relatée dans l’évangile de Marc. (7,31-37)

“On” lui amène un sourd, qui de surcroît est muet.

Nous savons qu’ un sourd est souvent muet. Comment pourrait-il reproduire des sons qu’il n’a jamais entendus?


Sans entendre et sans parler, comment pourrait-il dire qui il est et ce qu’il attend de la rencontre avec Jésus?

D’ailleurs, souhaitait-il quelque chose de cette rencontre?

Jésus répond à la demande de “on”. Il emmène la personne à l'écart de la foule, la rendant ainsi unique.

Débute alors une relation toute particulière avec la personne “malade”.

Jésus établit un contact physique avec elle . Il lui touche les oreilles et la langue, ce qui étaient des gestes thérapeutiques habituels, à l’époque. Après avoir “touché” la personne, après avoir “touché” sa souffrance, Jésus lui dit: “Ouvre-toi!” (Effata! en araméen).

Et selon le texte: “Aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia et il parla très bien”.


Par son exhortation, je pense que Jésus invite l'être tout entier à l’ouverture, à la vie.

Il lui apprend à dire "Je" afin qu’il se prenne en charge et amorce un dialogue conscient avec Dieu tel qu’il le conçoit.


Ce texte me renvoie à nos souffrances humaines majeures: les maladies, l’inévitable usure du vieillissement et la mort (la nôtre et celle de nos êtres chers).


Aujourd’hui, l’ “Ouvre-toi!” résonne toujours. Comment cette invitation lancée au sourd-muet peut-elle m’aider?

Il me faut dépasser le découragement qui accompagne souvent les souffrances et m’ouvrir autrement à la réalité de ma nature impermanente.

Ne pas m’écrouler sous le poids de la souffrance, mais continuer à grandir malgré elle et parfois grâce à elle. C’est de cette manière que je m’ “ouvre” à mon être chaque jour renouvelé.


Cette invitation à S’OUVRIR encourage à vieillir en paix (intérieure) et à continuer à grandir encore et encore, au gré des opportunités.

Enfin, une réflexion en forme d’interrogation:

Et si la mort n'était pas une fin aux relents d'échec? Si, au contraire, c’était une formidable ouverture, un envol libérant définitivement des peines, des chagrins et de toute autre forme de souffrance humaine ?




15. Le compte Pertes & Profits

Chacun en conviendra: la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Échapper au flot tumultueux, reprendre pied sur un bout de terre ferme est souvent nécessaire. Et, pourquoi pas, en profiter pour faire un inventaire détaillé de soi?


Afin d’être le plus objectif possible et de coller à ma réalité en constante évolution, je tiens à jour une sorte de compte Pertes et Profits.

Dans la colonne “Pertes”, j'indique mes échecs, mes torts et mes défauts.

J’y ajoute les actes superflus, les habitudes et les besoins désormais vains (cf 6 ci-avant).


Dans cette colonne, figurent aussi les personnes importunes ou nocives.

Cette opération délicate permet de mettre fin à des contrats de loyauté qui ne se justifient plus. Par exemple: pourquoi rester en contact avec un conjoint destructeur, pourquoi poursuivre une relation quand on n’a plus rien à se dire, quand on ne partage même plus les silences?

De ce gros fardeau - choses et personnes gênantes- je fais un grand feu qui se révèlera être un feu de joie.

L’existence, plus légère, se poursuivra sous un horizon dégagé.


Ma réflexion s’inspire d’un récit de Jésus: la parabole des Sarments. (Evangile de Jean)

Celle-ci relate le travail du vigneron qui soigne ses plantations en jetant les branches mortes au feu. Une sève revigorée circule alors dans la vigne qui produira un nouveau vin d’excellence.

Je suis le vigneron qui, avec l’aide de Dieu, soigne ma vigne intérieure. Je ne crois pas aux miracles. On dit -et c’est bien vrai- que Dieu peut tout pour moi mais rien sans moi .


Dans la colonne “Profits”, à la première place, apparaissent les activités constructives et les personnes positives, mises en lumière grâce au travail d’élagage décrit ci-dessus. J’y ajoute aussi mes réussites.

Je me félicite de ce qui va bien chez moi, en moi.

En découvrant quelque qualité, voire l’un ou l’autre “talent”, je l’accueille avec joie et pourquoi pas, avec un brin de fierté?

Je trace ensuite une perspective, me promettant de poursuivre le développement de ce qui est positif.

Comme pour la colonne Pertes, le travail d'inventaire ardu nécessite courage, honnêteté et même audace.

Maintenant je m’inspire d’une autre parabole, dite des Talents (Evangile de Matthieu).

À cette époque, un Talent correspondait à une grosse quantité d’or.

En actualisant un peu le texte, je peux imaginer qu’un chef d'entreprise confierait ses avoirs à trois collaborateurs. Il va ensuite prospecter ailleurs.

Deux d’entre eux les font fortement fructifier tandis qu’un troisième joue la prudence en plaçant la somme à moindre risque.

Dans le récit original, à son retour, le “maître” félicite ses collaborateurs zélés et condamne le troisième en le jetant dehors, “là où il y a des pleurs et des grincements de dents”.

Les théologiens discutent sans fin du sens de ce récit. Dieu serait, selon certains, ce maître impitoyable qui condamnerait le collaborateur un peu timoré et louerait les deux autres.

Ici encore, où est le seul Dieu que je cherche: le Dieu d’amour?

Si j’en reste au sens premier du texte, je ne le trouve pas.


Quiconque s’est déjà “fait jeter”, sait que le monde dans lequel il est précipité est hostile.

Monde d’aujourd’hui aux mains d’égotiques narcissiques, de psychopathes, de méga-friqués, d’influenceurs de tout crin emprisonnant dans leurs applications informatiques personnelles et leurs réseaux a-sociaux des millions de crédules égarés, de saccageurs des ressources naturelles… et j’en passe! Là sont aujourd’hui les “Pleurs et grincements de dents”.

Si, en plus, il lui faut subir une condamnation, c’est désespérant…

Je m’approprie ce texte. Le “talent” revêt dès lors le sens qu’il a aujourd’hui: une qualité personnelle, un don, un avantage.

Nous avons tous reçu des talents, des dons, des qualités que nous ne pouvons laisser se tarir. Ces “talents”, quels qu’ils soient, donnent sens à nos vies à condition de les utiliser, de les faire fructifier, d’en tirer un profit profond, non matérialiste.

Chacun développe ce capital, à son avantage et à celui des communautés auxquelles il appartient.

À chacun de découvrir ses potentiels et de les développer.

Ensuite, ils se multiplieront.

J’ai découvert un talent personnel quand j’ai abandonné ma dépendance à l’alcool. Cela a donné tout son sens à ma vie.

Quand j’ai arrêté de boire, ma langue s’est littéralement déliée. Je me suis mis à témoigner de ma délivrance. À la même époque, je fus affecté au service de formation-communication de la grosse société où je travaillais. Et depuis lors … je ne me tais plus! ;-)

En écrivant ces mots, je songe à la réflexion ci-avant sur les “muets qui parlent” et je me dis que tout se tient. J’étais moi aussi une sorte de muet, intérieurement racrapoté sur moi-même, baignant dans l’alcool et coupé des autres.

La valeur réelle de notre existence est à la mesure de ce que nous faisons de nos “talents”, de ce que nous sommes prêts à vivre, à travailler, à développer. Réjouissons-nous de ce que nous créons.

Acceptons l’échec. C’est de l’acceptation que naît le courage de nous remettre à la tâche.

Enfin, deux propositions:

.Relire la fable de La Fontaine: le laboureur et ses enfants

.Faire l’inventaire de nos talents. De ceux que nous réalisons déjà et de ceux qui ne sont peut-être encore que des projets ou des rêves.

“Ce qu'on sait faire et ce qu'on peut faire, on le découvre en le faisant.”

Colette Nys-Mazure

16. Écoute et Parole

Chacun dispose de ces deux outils naturels de communication. Il en est donc maître. Il peut la développer, s’y épanouir en étant vrai, en restant lui-même.

Mais…

Aujourd’hui, tout est fait pour qu’on oublie ce double talent naturel.

Sous prétexte d'améliorer la communication et de l'accélérer, la robotique en a multiplié les “véhicules”.

C’est ainsi que l’être doté par nature des talents d’Écoute et de Parole s’appauvrit socialement et psychologiquement. Il se dilue sur les réseaux (qu’il croit) sociaux, il chate et whatsappe avec frénésie, va de zoom en blog, idolâtre des influenceurs qu’il autorise à “penser” à sa place et qui profitent de chaque rumeur ou pseudo-info qu’ils propagent pour s’enrichir. Les faux-prophètes sont à la fête!

Il se dépersonnalise tout à fait: il dit qu’il “parle” alors qu’en fait il écrit en usant d’un langage simplifié, assorti d’anglicismes et d’émojis (dont certains, il est vrai sont sympas). Il se cache derrière des pseudos, accepte une indigestion imposée de cookies prétendant protéger ses données et mieux le servir, le pistant, le marquant à la culotte afin de connaître ses goûts, immédiatement traduits en algorithmes. L’individu ne pouvant plus assurer son intimité et sa liberté d’exploration personnelle, n’a plus qu’à faire confiance au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Il doit donc se contenter d’un chien de garde devant sa porte …

Pour couronner le tout, il refuse souvent de décrocher le téléphone qui sonne, prétextant que cela ne l’arrange justement pas. Ça peut arriver, bien sûr, mais quand ça devient systématique, difficile pour l’appelant de ne pas se sentir non désiré … et, pour finir, de ne plus rien avoir à lui dire.

Pour certains, un téléphone qui sonne constituerait même une menace…

On pourrait relever bien d’autres dérives de la communication actuelle.

Mais revenons à nos fondamentaux: l’Écoute et la Parole.

*

L’Écoute

Écouter c’est bien évidemment plus qu’entendre.

Entendre est une attitude passive: j’entends la musique, j’entends le bruit de la rue.

Si je prête plus d’attention, alors là, j’écoute. Je suis actif. J’ écoute la musique et je l’aime ou non. Sa beauté éveille en moi une émotion. J’écoute le bruit de la rue et je distingue les bruits qui le composent: les cris des enfants, les bruits de moteurs,... les coups de feu. Certains de ces bruits me plaisent, d’autres m’agacent, me fatiguent ou me font peur. Je recherche les premiers, je fuis les seconds, quand c’est possible. Chaque bruit fait naître en moi des émotions.


On peut dire qu’écouter c’est “entendre avec un coeur honnête et bon” une parole qui sera appliquée car elle touche en profondeur.

Il ne suffit donc pas qu’une idée -philosophique ou religieuse- soit portée par une Parole pour qu’elle résonne. Il est nécessaire qu’elle soit entendue et écoutée. Ce qui est donné, énoncé, visible peut sembler caché. C’est peut-être que celui auquel la Parole s’adresse n’est pas en état de voir, de comprendre, d'entendre “avec le cœur”, donc qui n’écoute pas.

« Prenez donc garde à la manière dont vous écoutez ! », dit Jésus (Luc 8, 16-18).

Une bonne communication s’établira si la manière d’écouter est de qualité. Bien écouter doit se faire avec les oreilles et avec le cœur. On peut dire qu’il s’agit de prendre pleinement conscience de ce que l’on perçoit.

Nous sommes peut-être parents ou grands-parents. Il arrive si souvent que, mûs par notre amour et par notre expérience, nous tentions de faire passer un message qui nous semble être utile pour ceux qui nous suivent. Et rien! Pas d’écoute, aucune réaction, aucune réponse parfois. Pourtant, nous savons. Puisque nous savons, notre devoir est de dire. Eux peuvent entendre et écouter, s'ils ont les oreilles et les cœurs ouverts. Sinon, tant pis. Notre devoir est de transmettre sans nous décourager. Si nous abandonnons, nous les privons peut-être d’une occasion de comprendre, d’avancer.

La Parole

La faculté de parler nous permet de placer des mots sur nos pensées, de les utiliser pour exprimer nos opinions, pour nous défendre, pour dire que nous aimons.

La Parole est par excellence le véhicule d’expression spontanée de nos émotions. C’est par la parole que nous nous adressons à nos proches, à nos collègues, à nos médecins et à nos psys.

La Parole est le parfait exutoire de nos émotions.

Qu’il est compliqué de comprendre ceux qui sont mutiques, soit parce que c’est leur nature, soit parce qu'ils ont décidé de peu ou de ne rien dire.

Talleyrand au secours, toi qui proclamais: “Si cela va sans le dire, cela va encore mieux en le disant!”


Si parler est essentiel, méfions-nous d’un mauvais usage de cette faculté. Il est archi-faux de prétendre que si les écrits restent, les paroles s’envolent. Celles-ci restent dans les cœurs et peuvent blesser, à jamais.

Jésus avertit: “Les hommes rendront compte de toute parole vaine qu’ils auront proférée.”

Quant à la parole “murmurée”, chargée d’hypocrisie, elle dérive facilement en critique et en commérage.

Dans sa Règle,Benoît de Nursie ( St Benoît, Ve s) proscrit les “murmures” qui rapidement deviendront des critiques et des commérages. Ceux-ci sont alors porteurs de rancune.

Il prône les vertus du Silence et la maîtrise de la langue afin d’éviter les paroles vaines.

*

Les critiques, même murmurées, même non dites, même restées simples pensées, relaient souvent de fausses infos. Elles peuvent aussi tout bonnement les créer.

On aime tant savoir et raconter!

Et quand on ne sait pas, on invente.

C'est ainsi qu'on blesse et qu'on se blesse.

(à suivre)