Moi...
MOI...
Mai 1979 ... j'ai 32 ans. un job prometteur. Une épouse et deux charmants enfants.
Cependant ... : ma vie personnelle vacille et va s'écrouler. Je suis épouvanté en constatant que l'alcool me dévore l'esprit, chaque jour de plus en plus.
Jusqu'à ce début mai '79. Pendant 3 jours et nuits, je touche le fond: ivresse continue ponctuée de moments de totale perte de conscience.
J'émerge enfin. Je remets un peu d'ordre dans la maison. Heureusement que j'étais seul pour traverser cet épisode cauchemardesque. Il n'y a qu'un seul témoin de ce sinistre, le principal: MOI!
C'est l'heure du choix, je suis à la croisée des chemins: ou bien je bois en continuant à donner le change -plus tard j'apprendrai que mon proche entourage se rendait compte de mes excès- ou bien, ou bien... ? Ou bien QUOI?
J'avais tout essayé: j'orientais mon toubib sur de fausses pistes, je trouvais toutes sortes d'excuses pour justifier ma consommation excessive. J'avais prié Dieu et tous ses saints. Il fallait que je lâche prise, que j'abandonne ce poison qui détruisait ma vie.


Reconnaître cette défaite sera une victoire! Un miracle! Une renaissance!
La vie se rappelle à moi. Elle prend corps dans ce groupe de parole où tous partagent leur renouveau né de l'abstinence, leur réveil spirituel et leurs difficultés.
Je quitte ce sinistre comptoir que j'évoquais sous l'onglet "Lui". Mes cauchemars, mes hallucinations disparaissent. Quelques beaux rêves augurent de lendemains heureux. Subsistent cependant -encore aujourd'hui- une peur du lendemain et un certain regret quant à hier. Les amis du groupe de parole m'ont donné le seul remède: "Occupe-toi seulement d'aujourd'hui!" Et ça marche puisqu'en 45 ans je n'ai pas rebu.
Au fil des formations (professionnelles et spirituelles) reçues et données, au gré des animations que j'ai organisées, à la faveur de mes activités bénévoles (surtout en Soins Palliatifs!), j'ai pris des notes, recueilli des témoignages, reçu tant de confidences ... J'éprouve une immense gratitude envers les collègues, les élèves, les personnes juste de passage dans ma vie, les amis de jadis et d'aujourd'hui qui m'ont fait et me font confiance.
C'est pour leur rendre hommage que je tente de rassembler, dans ce Blog, mes réflexions, mes doutes et mes convictions.
***
Bien calé dans mon fauteuil, je les observe, je les écoute.
Et ça raconte, et ça jacasse et ça s'agite. Des bras au ciel, des mains qui causent, logorrhées et gorges déployées!
Comme moi avant. Comme moi maintenant, si je ne prends pas garde.
Tous se tracassent pour tant de choses que d'autres ont vécues avant eux. Ces autres veulent sans doute leur faire part de leurs expériences. Mais tous sont sourds car les oreilles ont des murs.
J'ai fait partie de tous.
Je n’ai rien vu, rien entendu, rien compris de l'enseignement des autres, de ceux qui savaient. Parce qu'ils étaient passés par là.
Aujourd'hui, je fais partie de ces autres, de ceux qui voudraient bien être entendus car ils savent.
Mais parmi tous, rares sont ceux qui écoutent.
Enfoncé, paisible et résigné dans mon fauteuil, j’écoute le silence, mon complice. Il me dit: “Ça a toujours été comme ça. Propose, surtout n'impose pas. Et sois heureux, toi, d'avoir beaucoup compris “.
***
Vulnérable et heureux …
Vécu il y a quelques années,
Ressenti aujourd’hui encore…
Un soir d’été, je cours.
Il fait chaud, l’orage gronde. Le ciel est feu d’artifice. Les éclairs flashent et peignent tout en blanc. La pluie rompt les nuages et me fouette. J'atteins le sommet d'une petite crête. Totalement exposé, je suis peut-être en danger. Ce qui est certain c'est que j'exulte!
Je continue. Dans la descente, la route se déroule rapidement sous mes pas. Je suis libre, lavé de mes soucis, purifié.
Uni à la nature déchaînée, je lui appartiens, elle fait de moi ce qu’elle veut!
À cet instant-là, je ne voudrais pas être ailleurs.
***
La Vallée des Pleurs
Au dernier jour, je voudrais pouvoir dire que j'ai traversé la Vallée des Pleurs … en rigolant.
(référence Psaume 84,7)
***
Cet ami ...
... exécute avec grand soin de nombreuses tâches.
Il ne refuse rien à ceux qui le sollicitent.
Il est le champion du devoir accompli parfaitement et ... avec amour!
***
Souffrance
Nous nous sommes rencontrés en 1999. J’avais 52 ans et toi, sadique et intrigante, tu refusais de me dire ton âge. Coquetterie ? Stratégie ?
Aujourd’hui, je comprends que tu n'as pas d'âge et que tu as décidé de ne jamais me quitter. Comme tu le fais d'ailleurs avec la grande majorité d'entre nous.
Petit à petit, au fil des ans, tu t’es emparée de moi. Tu t'es répandue.
Discrète, omniprésente et lâche, tu te tenais dans mon ombre. Mes journées de cours, que je dispensais toujours debout, se terminaient dans la douleur.
Je pensais pouvoir t’oublier en sautant, en allant courir par tous les temps. En pratiquant du sport de façon intensive. Jusqu'à l'excès? J'espérais te fuir mais tu resurgissais sans cesse. Après le travail, après l’effort, tu revenais. J'étais fatigué. Toi pas.
Les années ont passé.
J’ai consulté tous azimuts. Mon moral était aussi atteint. Je doutais de moi, j'avais peur.
Toi et moi, nous fûmes auscultés, scannés, scintigraphiés, électromyographiés, IRMisés… Les toubibs devinaient bien ta satanée présence, mais aucun ne pouvait briser ton anonymat, te donner un nom et me prescrire des médicaments efficaces que je supporterais.
De guerre lasse, on finit par te classer parmi les “orphelines”. Aucun toubib n’avait d’idée précise.
Sauf un, retraité, qui soupçonnait que tu te cachais dans mon dos. C’est bien toi ça, salope! Te cacher et frapper dans le dos! Entre-temps,
tu me fis chuter, m'offrant deux prothèses en titane! Bientôt je serai la guest star du film Titanic 2! Tu m’empêchas de courir, tu me privas du vélo et des escaliers.
Voici ta dernière grande victoire: on pensa m’opérer afin de t’extraire de moi et d'ainsi limiter ta nuisance. Et une fois de plus tu leur échappes: les dégâts à ma colonne sont tels que les toubibs hésitent, tergiversent.
La décision d’agir est reportée. Elle sera soumise à l'avis d'une équipe pluridisciplinaire…
Je t'entends ricaner.
Je vais te surprendre, ma chère. Tu permets que je t'appelle ainsi? Nous nous connaissons tellement bien, depuis si longtemps! Toi ma Souffrance et moi…
Je ne capitule pas, je ne te nie pas, je ne te subis plus, je t’assume.
Plus et mieux: ce matin en entamant la promenade quotidienne -pénible- qui m’est recommandée, je t’ai invitée à m'accompagner.
Nous avons marché ensemble, Souffrance.
Tu m'as fait mal, comme d'habitude. Tu n’es pas capable d’autre chose. Je sais que tu peux me démolir plus encore.
Mais je ne t’en veux plus. Je ne veux plus être en colère ni contre toi, ni contre moi, ni contre les toubibs qui ne se décident pas. Ni contre l'entourage qui a parfois peine à suivre.
Je t’invite donc désormais à m’accompagner dans la lumière.
Je continue. Tu ne m’arrêteras pas!
21 août 2025
***



